KIMIKO YOSHIDA LA CEREMONIE DE LA DISPARITION

Il ne fallait manquer sous aucun prétexte cette occasion de vous présenter l’oeuvre de cette artiste majeure et incontournable de la scène artistique contemporaine. Fort du soutien du talentueux galeriste Pierre-Alain Challier et de la participation exceptionnelle du critique d’art Jean-Michel Ribettes, nous avons demandé à l’artiste japonaise Kimiko Yoshida de nous parler de son oeuvre et de sa démarche artistique en se prêtant au jeu d’une courte interview.

Kimiko, pourriez-vous nous parler en quelques mots de votre travail ?

L’image, qui n’est elle-même que l’apparence de ce qui a disparu, accomplit un acte destructif en tout point semblable à la mort, qui substitue à l’être vivant un cadavre qui lui ressemble – tel est le point central. Mon art s’est toujours attaché à la disparition, j’ai toujours voulu disparaître dans mes images. Chacun de mes Autoportraits, depuis 2001, est une image de l’effacement où la figure en disparaissant donne à l’oeuvre sa signification. Être là où je ne pense pas être, disparaître là où je pense être, voilà l’important. Chaque prise de vue est, chaque fois, une cérémonie de la disparition : mes Autoportraits sont des natures mortes. Ce que je montre, c’est l’image d’un cadavre – un cadavre embelli, avec ses parures, ses ornements, son maquillage, à l’image de la momie fardée, des portraits du Fayoum ou des masques et des peintures funéraires.

Quelles sont vos principales sources d’inspirations et sous quelles formes se traduisent elles dans votre art ?

Le rituel funéraire et la célébration des morts m’apparaissent comme l’origine première, le fondement de toute pratique artistique. Je vois dans la tradition des Vanités et les représentations de la mort la signification première de mon art. Mes Autoportraits, en donnant une image à la disparition, mais à la disparition comme innommée, présentent ce qu’il y a d’invisible dans une figure, cette absence invisible qui est au coeur de toute représentation et que l’image met justement son point d’honneur à rendre visible.

Kimiko, ces images traduisent votre relation avec la mort. Comment analysez-vous votre dépendance avec celle-ci ?
Avec ces images, j’aborde l’art comme une absence de réponse. Je suis, ici, celle qui, par son travestissement et sa dissimulation, maintient ouverte la question de la séparation, de la disparition et de la mort. Sans le manqué et l’absence, sans l’impermanence et la mort, quelque chose comme l’art existerait-il ? Le fait est que mon art, l’ensemble de mon art dépend d’une relation avec la mort, qu’il n’a de sens que dans un rapport essentiel avec le sens de la mort. Mon expérience artistique se situe immédiatement dans cette perspective de l’oeuvre comme recul de sa propre dissolution, comme recul de la mort qui s’avance. L’art devient alors l’ouverture silencieuse sur le silence du
regard, l’affirmation de ce qui nie la négation. L’art, pour moi, est avant tout l’expérience de la transformation. L’art est une délicate opération de transposition, une lutte assidue contre l’état des choses – contre la servitude volontaire,
les stéréotypes du gender et les déterminismes de l’hérédité.

Vous avez d’ailleurs choisi de nous présenter une nouvelle série de photographies…
Ma nouvelle série de photographies, conçues dans le souvenir de l’histoire de l’art, s’intitule Peinture. Autoportrait. Cette transposition symbolique des chefs d’oeuvres des maîtres anciens s’appuie sur le détournement de vêtements haute couture et accessoires de mode. Selon le protocole que je me suis donné, ces objets, qui proviennent pour l’essentiel du Patrimoine Paco Rabanne, sont systématiquement employés en dehors de leur usage. Les Autoportraits que je présente ici sont une évocation des grandes figures féminines de la mythologie grecque, de la Bible ou de la littérature, qui demeurent fameuses pour avoir donné ou s’être donné la mort : Athéna, Minerve, Pallas, Hécate, Méduse, Ophélie, Judith, Salomé, Dalila…

Actualité de la Galerie Pierre-Alain Challier

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Actualité de Kimiko Yoshida : www.kimiko.fr

Propos d’artistes : Christophe Menager

Photographie : Courtesy Artiste et Paco Rabanne 

EXTRAIT DEDICATE 25 – Printemps 2011