GASTON DAMAG  & VICTOR MAGSAYSAY

“Peu importe à quel point l’hégémonie des idéologies occidentales nous encerclent et nous dominent, notre culture continue à vivre en nous, et à travers nous”.G.D.

La présence d’artistes originaires d’Asie est de plus en plus répandue en Europe et en France et plus largement en dehors du continent asiatique. Même si le public reste encore peu sensibilisé, on constate avec la nouvelle génération, qu’un grand nombre d’ artistes ont réalisé une partie de leurs études dans des écoles d’art aux Etats-Unis ou en Europe. Au coeur de cette mondialisation, le brassage, la confrontation des idées et les concepts, n’empêchent pourtant pas les artistes de se rapprocher des préoccupations de leur culture ou de leur pays d’origine.

A l’occasion de ce numéro, deux artistes natifs des Philippines et fortement ancrés dans leurs traditions, ont choisi de nous parler de leur parcours, de leur engagement et des raisons qui les ont conduit à s’installer à Paris.

Pouvez-vous nous parler de vos origines philippines et nous dire ce qui vous a conduit à venir vous installer en France ?

Gaston Damac : J’appartiens au peuple de montagnards appelé Ifugaos ou Igorots, situé dans les cordillères au nord des Philippines. Je suis venu en France principalement pour rejoindre mon épouse et aussi pour faire l’Ecole des Beaux-Arts. J’ai eu la chance d’avoir de bons professeurs comme Toni Grand et Joele Kermarrec. Ils m’ont encouragé, motivé et m’ont appris à me remettre toujours en question.

Victor Magsaysay : J’ai grandi dans deux mondes différents, partageant mon temps entre Manille, mégapole de 12 millions d’habitants, et la province de Zambales, région rurale conservatrice du nord des Philippines, d’où est issue ma famille. Pendant cette période j’ai pu développer ma sensibilité et mon sens de l’observation.

Après des études de stylisme et ma participation au collectif d’artistes nommé ORFI à New York, je me suis installé en France en 2002.

Pensez-vous que l’art et le voyage sont intimement liés et que l’un se nourrit forcément de l’autre ?

Gaston Damac : Même si voyager est forcement enrichissant, je pense également que l’on peut voyager sans se déplacer à travers la création et l’imaginaire.

Pour ma part l’éloignement géographique m’a beaucoup aidé dans ma démarche artistique. Je pense que la distance permet de prendre du recul pour mieux se comprendre ; On développe aussi son imagination et on porte un autre regard sur sa propre culture d’origine.

Pouvez-vous nous parler de vos travaux en quelques mots ?

Gaston Damac : En réaction à la puissance de la culture occidentale, je travaille notamment en remettant en question la vision des occidentaux sur les cultures dîtes primitives. J’essaie de confronter et de montrer le développement des cultures sans dominant ni dominé.

Le tournant de mon travail a eu lieu lors d’une exposition au museum of natural history de New York, sur les Ethnies en Asie. J’ai découvert que quelques photos et objets présentés en vitrine appartenaient à ma famille. Cette découverte m’a fortement marqué, et a inspiré mon travail par la suite.

Victor Magsaysay : Ma démarche repose sur le concept de la dualité. Récemment, j’ai fait des portraits numériques de transsexuels et de femmes. Un autre aspect de mon travail s’oriente également sur des sujets concernant l’objectivisme, l’égotisme, le collectivisme et la transsexualité.

Aux Philippines, existe t-il un dynamisme réel ou l’art est-il réservé à une minorité de personnes ?

Gaston Damac : Oui, il y a un dynamisme relatif, mais tout comme ici, l’accès au marché de l’art est destiné à une minorité de personnes. Les philippins ont un faible pouvoir d’achat et l’art n’est pas la priorité de ceux qui détiennent l’économie.

Pensez-vous qu’il existe une scène artistique à dimension internationale ?

Gaston Damac : Non pas encore ! Mais peut t-être lorsque le pays deviendra économiquement fort. Il y a heureusement quelques artistes philippins sur la scène internationale, comme Paul Peiffer, David Medalla ou mon ami Manuel Ocampo.

 J’imagine que le pays reste très ancré dans des traditions populaires et spirituelles.

Gaston Damac : Oui et non (sourire) ! 88% des Philippins sont chrétiens et fortement ancrés dans les traditions et paradoxalement on constate que le pays est aussi très influencé par Hollywood et la culture Américaine.

Avez-vous des contacts avec d’autres artistes philippins ?

Victor Magsaysay : Oui, surtout aux Etats-Unis et spécialement avec mon collectif New-Yorkais. J’ai aussi beaucoup de contacts avec de nombreux artistes aux Philippines.

Comment situez-vous votre travail par rapport aux grands thèmes liés à la religion, au spiritualisme, aux icônes populaires ?

Victor Magsaysay : Pendant l’adolescence, j’ai tenté de me révolter contre mon éducation religieuse, mais j’ai réalisé que cela faisait partie intégrante de moi-même. Pour moi, ces thèmes sont inévitables et interagissent en permanence avec mon travail.

Avez-vous des projets aux Philippines, ou ailleurs ?

Gaston Damac : Je prépare actuellement deux expositions prévues pour des galeries à Manille.

Victor Magsaysay : Je prépare une exposition pour la fin de l’année à Berlin. J’ai aussi un projet d’installation depuis quatre ans, mais c’est un cauchemar sur le plan logistique.

Depuis votre arrivée en France, dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Victor Magsaysay : Plus philippin (sourire).

Gaston Damac : J’ai passé la moitié de ma jeunesse ici (sourire). Aujourd’hui mon esprit surf entre les deux cultures.

 

Nous remercions pour sa collaboration la galerie d’art contemporain Nosbaum & Reding située au Luxembourg, pour son soutien aux artistes et notamment aux artistes philippins Gaston Damag et Manuel Ocampo.

 

Pour en savoir plus : Nosbaum & Reding – Ingrid lamy – 4, rue Wiltheim – L- 2733 Luxembourg – T (+352) 26 19 05 55  F (+352) 26 19 05 56 – www.artcontemporain.lu
Actu:

Exposition Hubert Kiecol (22.03.07-19.05.07) – Nicolas Chardon (22.03.07-19.05.07)

Nosbaum & Reding at Artnews Projects in Berlin (05.04.07-18.05.07)

Fine Art Fair Frankfurt (13.04.07-15.04.07)
Art Cologne (Hall 04 1, Stand C 069 du 18.04.07-22.04.07)